"Certains, comme Apollinaire ou Desnos, ont écrit des scénarios, d’autres, Péret, Breton, Aragon, ont vu leur écriture influencée par le cinéma. Bien sûr, les positions individuelles s’avèrent plus nuancées. Soupault, auteur de billets-poèmes, a privilégié la subjectivité du récepteur et sa démarche créatrice, et nié la spécificité du cinéma, mise en évidence par Aragon, qui se focalisait sur la critique et le langage cinématographique (en particulier ses éléments visuels, le gros plan, l’image mouvement, constituants de la cinégénie)."
Avant-gardes et pionniers
Par: Marion Poirson-Dechonne
Maître de conférences, Université Paul Valéry, Montpellier
Les avant-gardes du XXe siècle ont confronté les arts, dont elles ont interrogé la spécificité et les limites, par le biais de la théorie et de la création artistique. Ainsi, les surréalistes ont manifesté un intérêt pour le cinéma, perçu comme un territoire à conquérir et une incarnation de l’anti-culture, préférant Chaplin et les serials aux films d’art. Le film représentait un moyen idéal d’investigation de la surréalité et permettait de porter à l’écran l’équivalent figuratif de l’écriture automatique. Les poètes privilégiaient alors la vitesse du cinéma, à savoir la sensation de fugacité procurée par l’image mouvante, qu’ils apparentaient au dévoilement éphémère du monde par la poésie. Ils voyaient dans ses enchaînements surprenants une dimension poétique.
Certains, comme Apollinaire ou Desnos, ont écrit des scénarios, d’autres, Péret, Breton, Aragon, ont vu leur écriture influencée par le cinéma. Bien sûr, les positions individuelles s’avèrent plus nuancées. Soupault, auteur de billets-poèmes, a privilégié la subjectivité du récepteur et sa démarche créatrice, et nié la spécificité du cinéma, mise en évidence par Aragon, qui se focalisait sur la critique et le langage cinématographique (en particulier ses éléments visuels, le gros plan, l’image mouvement, constituants de la cinégénie). Artaud, dont le soupçon à l’égard de la poésie s’est manifesté dès son entrée en littérature, a œuvré activement dans le but de révolutionner celle-ci. Seul le cinéma constituait pour lui l’art capable d’exercer sur le spectateur une catharsis. Le surréalisme ayant échoué selon lui à en appréhender la véritable capacité, Artaud s’est alors attaché à théoriser une pensée de l’image, au confluent du cinéma, de la poésie et de la magie. Par son aptitude à subsumer tous les autres arts, le nouveau medium, grâce à son rapport particulier au rêve, les régénérerait.
Toutefois, peu de poètes de cette époque ont osé la réalisation, en raison de la nécessité d’une maîtrise technique. On peut citer Benjamin Fondane, poète et théoricien qui constitue l’une des figures les plus emblématiques du dialogue entre poésie et cinéma. À partir de 1930, il a travaillé comme scénariste aux studios Paramount de Joinville. Il a adapté une nouvelle de Ramuz (Rapt, 1934), pour Dimitri Kirsanoff, tourné en 1936, en Argentine, Tararira, un film d’avant-garde, et déposé en 1938 deux scénarios auprès de l’Association des Auteurs de films. Entre 1925 et 1933, il a également écrit des articles théoriques interrogeant l’évolution de l’histoire du cinéma, et appliqué la technique du scénario à trois Ciné-poèmes (1928). Il préconisait une conception catastrophique du cinéma, fondée sur la vitesse, la collision des formes, l’illogisme, l’image qui distancie brutalement l’objectif de la perception naturelle du sujet, et dont l’emblème serait Entr’acte, de René Clair, film dans lequel Fondane voyait un équivalent de la libération du langage poétique pour toute une génération.
En France, les avant-gardes cinématographiques, représentées par Germaine Dulac, Jean Epstein, Louis Delluc, sont célèbres pour leurs prises de positions théoriques et leur attachement à la spécifi du cinéma, confronté aux autres arts, musique, danse ou poésie. Jean Epstein a publié en 1921 La poésie aujourd’hui, un nouvel état d’intelligence, aux éditions La Sirène, texte fondateur de la ciné-poésie revendiquée par Man Ray et Max Jeanne. L’idée dominante de ces cinéastes est celle du rythme. L’élément visuel agit directement sur l’œil. Il faut modifier l’apparence de l’image pour exprimer la vibration du monde. Le rythme musical et poétique imprimé au film permet de créer l’émotion. En France, Man Ray a réalisé trois films poétiques, Emak Bakia, en 1926, L’Étoile de mer, à partir d’un poème de Desnos, en 1928, et Les mystères du château du Dé, en 1929. Comme les poètes, les cinéastes ont transfiguré la banalité des objets quotidiens ou les ont rendus visibles par le travail du cadrage. La cinégénie rejoignait ainsi la poésie. En Allemagne, Karl Mayer a rédigé des scénarios à la façon de poèmes en vers libres, et Hans Richter, comme le Suédois Eggeling, a privilégié le rythme du montage, en évacuant la narration. Les intertitres des cinéastes russes d’avant-garde, comme Vertov, les recherches des formalistes, la théorie du montage d’Eisenstein et sa théorisation de la synesthésie au cinéma témoignent d’une réflexion commune.
Poètes cinéastes, cinéastes poètes
Avec le cinéaste Marcel Carné, pour lequel il écrivait des scénarios, Jacques Prévert a initié le réalisme poétique. La description de la réalité se fait dans un climat où interviennent le merveilleux et le rêve. Parmi les films les plus connus qui témoignent de ce passage du poète à l’écran, Les visiteurs du soir, en 1942, Les enfants du paradis, en 1945, et, avec Paul Grimaud, Le roi et l’oiseau, en 1980.
Jean Cocteau a mis en scène diverses figures de poètes, dans L’Aigle à deux têtes (1948) comme dans sa trilogie orphique (Le sang d’un poète, 1930 ; Orphée, 1950 ; Le testament d’Orphée, 1959). Cocteau a insufflé la poésie dans ses romans, ses pièces de théâtre, son cinéma ; il a lui-même employé les termes « poésie de théâtre », « poésie de roman », « poésie de cinéma ». Il a théorisé la notion de poésie, qu’il décrivait dans Le sang d’un poète comme une manière d’employer le mécanisme du rêve. Il usait aussi des termes d’hypnose, de rêve éveillé, pour caractériser la manière dont devait s’exprimer le poète, et considérait le cinéma comme un œil ouvert sur le monde. Dans La difficulté d’être, en 1947, il mettait l’accent sur sa dimension d’énigme, de mystère. Il évoquait, dans Les lettres françaises, le 8 octobre 1959, à propos du Testament d’Orphée : « un film où j’organise les actes comme on organise les mots pour faire un poème ». Ailleurs, il constatait qu’un film possède un rythme interne, composé de longues et de brèves, ou comparait le travail du poète cinéaste à celui du spirite. L’ébéniste fabrique la table, mais c’est le spirite qui la fait parler. Cocteau attachait une grande importance aux ondes, aux signaux, à toutes les formes de révélation mécanique. Dans cette optique, le poète s’apparentait à un appareil enregistreur, et la caméra constituait également un instrument qui favorisait les révélations, la divulgation des secrets, comme une lampe à rayons X dévoile les arcanes des corps.
Auteur du poème « Le condamné à mort », de 1942, Jean Genet, dont l’intérêt pour le cinéma s’est concrétisé par l’écriture d’un grand nombre de scénarios, a tourné en 1950 Un chant d’amour, peut-être en écho à La Belle et la Bête, film de 1946. En transposant l’écriture poétique au cinéma, Genet explorait un autre medium et, bien avant Pasolini, faisait référence à Sade.
Poète lettriste et révolutionnaire, Isou s’est aussi intéressé au 7e art. Son film manifeste, Traité de bave et d’éternité, en 1951, oscillait entre la proclamation de son amour d’un certain cinéma, celui d’Eisenstein, Chaplin et Von Stroheim, ainsi que du Chien andalou (1929), et la revendication de la destruction du cinéma dominant. Isou suggérait de déchirer les deux composants du cinéma, le son et l’image, et de s’attaquer à la pellicule même. Son film multiplie les plans noirs. Il met en relation le cinéma avec les principes du lettrisme. L’image apparaît fl grattée, abîmée, inversée, lacérée, évoquant les éléments de dissolution chers aux surréalistes. Pour détruire les valeurs du 7e art, Isou a inventé le montage discrepant, qui repose sur la séparation du son et de l’image. Le film applique les principes qu’il énonce. Bruitages, mouvements confus, voix brouillées s’associent à des cartons, des adresses au spectateur ou un recours à l’écran noir. La réitération de poèmes lettristes, lus sur un fond monochrome, tisse un lien particulier entre cinéma et poésie. Le rythme des poèmes s’accorde à l’absence de figuration comme au réemploi de chutes de films, qui met l’accent sur le montage.
Guy Debord est également lié au mouvement lettriste. Isidore Isou a exercé une influence sur ses choix poétiques et politiques, ainsi que sur son cinéma. Il a aussi été marqué par Mallarmé et sa hantise de la page blanche. Ses innovations filmiques ressortissent autant au poétique qu’au politique. Pourtant, aucune des influences qu’il évoque, pas même le carré blanc de Malévitch, n’atteint ce moment de fulguration, de déchirure, qu’il souhaite produire, sauf, peut-être, les textes de Lautréamont.
Un cinéma poétique ? Théorie et pratique
Pasolini est à la fois poète et cinéaste. Son passage derrière la caméra a été interprété par un de ses exégètes comme un renoncement provisoire à la poésie : à cette époque, Pasolini n’envisageait qu’une forme de poésie, l’action réelle. Il a privilégié la forme poétique au cinéma, et conçu le projet, inachevé, d’une Divine Mimésis. Sa réflexion sur le lien entre ces deux arts réside dans le fait de « sentir la caméra ». Pour l’expliciter, il emploie le terme de
« caméra subjective indirecte libre », équivalent du discours indirect libre dans le roman, une pensée que Deleuze a développée dans sa théorie de l’image perception, et que Pasolini approfondit en recourant à la définition littéraire de la poésie. Il existe au cinéma une distinction entre prose et poésie, que la théorie linguistique permet d’appréhender. Dans le cinéma de poésie, la caméra transparente n’utilise pas de technique grammaticale. C’est la conscience de la caméra qui fait surgir la poésie, manifestée de deux manières dans le cinéma : le cinéma de poésie et le cinéma poétique. Pour ce dernier, des cinéastes comme Chaplin, Mizoguchi, Dreyer : la poésie émerge de l’image et provoque sa perception immédiate, sans « langue technique ». Dans le cinéma de poésie que pratiquent Godard et Antonioni, c’est au contraire la technique de la caméra qui la fait surgir, d’une manière formaliste. La théorie poétique préconisée par Pasolini repose sur une quête du langage de la réalité. En tenant compte de la spécificité du cinéma, le réalisateur cherche à inventer une nouvelle relation des êtres humains à celle-ci.
Le cinéma dont Ruiz rêve serait un art chamanique. Le commerce avec les esprits est pour Raoul Ruiz inhérent à l’acte de filmer. Il voit dans le film une forme de chamanisme faite de détachement, éclatement ou dédoublement de soi, une opération complexe de l’imaginaire, opérée par le spectateur, et évoque les « voyages chamaniques mécanisés par la technique cinématographique1 ». Les participants au rituel entrent en résonance cosmique avec ceux qui l’ont accompli avant eux. Les films, par les échos qui les relient les uns aux autres, forment une sorte d’iconostase. Le montage peut permettre d’attirer l’attention sur l’arrière-plan pour lui conférer une importance majeure. Tous les éléments non nécessaires, en formant un corpus énigmatique, entravent la lecture trop lisse de l’image à laquelle ils ajoutent une dimension d’étrangeté ou de suspicion. Car pour Raoul Ruiz, chaque image se révèle susceptible d’abriter, de receler d’autres images. Multiplier les actions et les histoires permet de créer de fascinantes arborescences. Le film devient alors un système combinatoire, à partir de multiples histoires qui se chevauchent et s’interpénètrent. Multiple tout en donnant une impression d’unicité, il masquerait un film secret, destiné à provoquer l’émotion. Il convient d’atteindre un point hypnotique, de s’endormir (métaphoriquement) dans le premier fi pour se réveiller dans le second, et ainsi de suite. Le cinéma de Ruiz est marqué par une conception particulière de la narration, une progression constituée de ruptures et de collisions, laissant se défaire les signifiés tandis que les signifiants s’opacifient.
Ces cinéastes affirmaient l’existence d’un cinéma poétique. Quelle défi en donner ? D’une part, la poésie se rapproche de la magie par le biais de l’incantation, formule mystérieuse et répétitive, qui se caractérise par son efficacité créatrice, son pouvoir sur le monde. Elle renoue avec les origines en redonnant leur valeur primordiale aux mots. Le cinéma, en revanche, offre des accointances avec la magie par d’autres biais, ceux des instruments et des pratiques, grâce à l’appareillage qu’il nécessite et les nouvelles formes que revêt aujourd’hui le 7e art viennent renouveler son rapport à la magie.
D’autre part, les poètes bouleversent le langage et le réorganisent. Ils déconstruisent sa syntaxe pour éviter la sclérose. Comme tout langage, le cinéma soulève la question du signe et du sens, du signifiant et signifié qu’ont explorée Saussure, Jakobson, et même Pasolini. Un cinéma poétique est, semble-t-il, un cinéma qui repose sur l’utilisation de la fonction poétique du langage, évoquée par Roman Jakobson, qui excède les limites de la poésie. Le cinéma poétique use de la métaphore, une figure qui participe de l’ellipse, et qui retrouve dans le film sa fonction d’unification. Elle crée des liens, en associant des choses différentes, concentre les significations. Pour Lacan, son travail pourrait s’apparenter à celui du rêve, condensation et déplacement. Elle semble aussi liée à la question des synesthésies. Certains fi poétiques, comme ceux de Paradjanov, jouent sur la sensorialité. Ils touchent la vue et l’ouïe, mais présentent aussi une dimension haptique. Ce cinéma joue sur les gros plans, les textures, les matières. La proximité amplifie l’impression tactile ; celle du fond et de la figure, des objets et des visages2. Mais la poésie ne concerne pas que les films de fiction.
Le cinéma documentaire peut lui aussi s’avérer poétique. Alberto Cavalcanti a collaboré avec le poète Auden pour son film Cool Face, en 1935. Bien que rares, les contributions de poètes au cinéma documentaire s’avèrent marquantes. On a parlé d’école documentariste poétique à propos de Riga dans les années 1960. Certains documentaristes, comme Joris Ivens, Robert Gardner, Chris Marker, Agnès Varda, Vadim Jendryko, Sharunas Bartas, Audrius Stonys, ou encore Jorgen Leth, poète et cinéaste, présentent des qualités poétiques.
La poésie à l’écran : les genres
La poésie à l’écran revêt différentes formes et s’incarne dans des genres. Le premier qu’on peut répertorier concerne les fictions sur les poètes : Le cercle des poètes disparus, dont la devise, Carpe diem, est une formule du poète latin Horace ou Poetry, un fi coréen, quête d’une dame âgée qui tente de percer le secret de la poésie.
On trouve également les biographies de poètes : Victor Hugo (1952), de Roger Leenhardt, Rabindranath Tagore (1961), documentaire de Satyajit Ray, Bright Star (2009), biographie romancée du poète Keats, de Jane Campion. Certains poètes aux vies tourmentées, comme Villon, Verlaine ou Rimbaud, inspirent volontiers les cinéastes (Je, François Villon, voleur, assassin, poète, téléfilm de 2010 de Serge Meynard ; Rimbaud Verlaine d’Agniezka Holland, en 1995).
La poésie intervient aussi sous forme de citation, chez Pasolini (Mamma Roma, 1962), Godard (Histoire(s) du cinéma ou encore Notre Musique, qui fait résonner le poème « Correspondances » de Baudelaire ou met en scène le poète Mahmoud Darwich). Baudelaire est souvent évoqué, par Germaine Dulac (L’invitation au voyage, 1927) ou Agnès Varda (Les dites cariatides, 1984). De beaux lendemains (1997) d’Atom Egoyan cite intégralement le poème « Le joueur de fl » de Robert Browning, mentionné à la fi du fi éponyme de Jacques Demy.
Enfin, la poésie peut faire l’objet d’adaptations et de transpositions. Les chants de Maldoror (1977) de Shugi Terayama, animation à partir d’images en PVR, présente un aspect de collage, par le choc d’images, la juxtaposition, la reconstruction de l’espace. Marqué par l’érotisme et la transgression, il correspond bien à l’univers de Lautréamont. Poème de la mer, film d’animation d’Erwan Le Gal, constitue une visualisation du « Bateau ivre » de Rimbaud. Les poèmes choisis permettent les délires visuels, en dépit du caractère narratif, et favorisent un déferlement de l’imaginaire, accentué par le choix de l’animation aussi. Peter Greenaway et Derek Jarman s’inspirent le premier de L’Enfer de Dante, (A TV Dante, 1989), le second des sonnets de Shakespeare (The Angelic Conversation, 1985). Tout en se défiant de la littérature comme sujet d’inspiration du cinéma, en raison de son caractère narratif, ils privilégient la poésie, qui légitime une expérimentation formelle, axée sur les questions de cadre chez Greenaway et la vitesse du défilement chez Jarman, dont ils cherchent à retranscrire à l’écran un équivalent par la palette vidéographique et la recherche plastique.
Une autre pratique consiste à transposer des formes poétiques à l’écran. Théoriciens et cinéastes ont manifesté un intérêt pour cette question. Gance, en 1942, a versifié les dialogues du Capitaine Fracasse, Resnais, traversé par la nostalgie d’un style poétique, a fait écrire en vers par Queneau le texte du film Le chant du Styrène, en 1958. La structure versifiée fonctionne le mieux quand elle constitue l’équivalent du montage. Les tentatives les plus intéressantes jouent sur les effets de rythme, faisant coïncider métrique et montage.
En guise de conclusion : retour à la poésie
En sens inverse, le passage de l’écran à l’écrit favorise l’hybridation, l’invention de nouvelles formes. Les poètes contemporains intègrent le cinéma par les thématiques ou l’écriture. Christophe Fiat, dans New-York 2001, fait dysfonctionner la référence au cinéma hollywoodien. Jean-Marie Gleize collabore avec Eric Pellet, qui réalise des vidéos à partir des poèmes, pour créer un rapport problématique avec l’image ; Nathalie Quintane travaille avec Stéphane Bérard ; Jérôme Game, Frank Smith poursuivent une thématique dans laquelle le cinéma joue un rôle primordial ; Pierre Alferi, avec ses Ciné-Poèmes (2003) et Dominique Fourcade, qui travaille les effets du montage, se préoccupent du mouvement visuel en prolongeant le travail de Fondane. Au Canada, Paul-Marie Lapointe a écrit des textes au rythme proche de l’improvisation jazzique, dans lesquels il juxtapose des configurations visuelles qui obligent le lecteur à utiliser des compétences perceptuelles d’ordre cinématographique. On retrouve dans ses textes l’influence des mouvements de caméra, de la vitesse des plans, des effets de montage, fondant des « actes de visibilité », selon l’expression de Sylvano Santini. Le Belge Jan Baetens, dans ses novellisations poétiques, renouvelle des formes d’écriture initiées dans le cinéma des années 1920 pour questionner l’outil littéraire, en particulier dans celle de Vivre sa vie de Godard ; au-delà de la citation, ce travail confronte sa poétique à la thématique de la banalité qui s’exprime dans le film. Z
* Maître de conférences à l’Université Paul Valéry de Montpellier et écrivain.
Notes
- Raoul Ruiz, Poétique du cinéma, éditions Dis Voir, 1995, p. 38.
- On se rapportera pour plus de précisions à l’article « Synesthésies au cinéma ou l’expression d’une poétique », que j’ai publié dans la revue Ekphrasis, volume 7, « Synesthesia in cinema and in visual arts », (1), 2012.
SOURCE: https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2014-n171-qf01221/71221ac/ Copié le 24/06/2018
Poirson-Dechonne, M. (2014). L’écran poétique. Québec français, (171), 51–53.